Kléber BAUDOIN 1896-1945
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- Catégorie : Guerres
- Publié le mardi 9 mai 2023 11:30
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Kléber BAUDOIN 1896-1945
Adjudant de Gendarmerie-Lieutenant F.F.I
Par Philippe Martin
Né le 14 novembre 1896 à MAUPOTEL, commune d’ESCLES (88), Kléber Joseph Narcisse BAUDOIN est le fils d’Henri Joseph Narcisse BAUDOIN, tailleur de pierres, et de Marie Mélanie L'HUILLIER, brodeuse. Il a trois sœurs Nelly Maria Denise, née en 1898, Antoinette Maria Thérèse, née en 1899, et Yvonne Maria Émilie, née en 1903.
Il se marie le 30 décembre 1920 à ESCLES avec Marie Claire Suzanne JEANMICHEL. Le couple aura un fils, Guy, né en 1923.
Il se marie le 16 mai 1931 à CHÂTEL-SUR-MOSELLE (88) avec Cécile Jeanne HOUOT. Le couple aura deux enfants, Pierre et Arlette.
Lors de son arrestation, il est père de trois enfants âgés de 21, 11 et 2 ans.
Parcours militaire :
Enregistré sous le numéro de matricule 237 au recrutement à ÉPINAL (88), classe 1916, il incorpore au 11ème Régiment du Génie (RG) à compter du 12 avril 1915. Il arrive au corps comme sapeur mineur de 2ème classe le dit jour. Il passe à la Compagnie 27/D le 14 septembre 1915, à la Compagnie 26/D le 31 décembre 1915 puis à la Compagnie 101 le 4 juin 1916.
Le 23 novembre 1916, il passe au 3ème RG, à la Compagnie 1/64, en exécution de la Note N° 1133 du Général, commandant le Génie de la 4ème Armée, en date du 20 novembre 1916, aux armées le dit jour. Il passe à la 4ème Compagnie le 16 janvier 1919 et à la 2ème Compagnie le 1er février 1919.
Passé au 21ème RG, à la Compagnie 5/3T, le 10 juillet 1919, il est démobilisé le 26 août 1919. Envoyé en congé illimité, il se retire à ESCLES et est affecté pour la mobilisation au 11ème RG.
Parcours gendarmerie :
Nommé élève-gendarme à pied par Décision Ministérielle en date du 4 mai 1922 (JORF du 5 mai 1922), il est affecté pour ordre à la 4ème Légion de Gendarmerie (LG) du MANS (72). Il arrive à l’École Préparatoire de Gendarmerie de MAMERS (72) le 1er juin 1922 pour y suivre le cours de préparation d’une durée de cinq mois. Par Décision Ministérielle en date du 22 novembre 1922, il est affecté à la 21ème LG d’ÉPINAL, à la brigade de CHÂTEL (88), qui deviendra officiellement CHÂTEL-SUR-MOSELLE en 1961.
Il passe à la 20ème LG de NANCY (54) le 18 juillet 1923, suite à une réorganisation de la gendarmerie du 19 mai 1923, sans changement d’affectation. Admis dans le corps des sous-officiers de carrière le 30 mars 1928, il est nommé maréchal des logis chef à pied le 10 décembre 1930. Il est affecté à la brigade de CHÂTENOIS (88), dont il prend le commandement.
À partir de l’armistice du 22 juin 1940, avec la mise en place de la ligne de démarcation, la gendarmerie va subir une réorganisation de ses Légions (suppression, création, changement d’appellation …) qui sera suivie d’une autre en 1943, avec l’occupation entière de la France, puis d’une autre en 1944 avec la libération.
Ainsi, le MDC BAUDOIN passera successivement à la 6ème LG, puis à la légion de gendarmerie de NANCY le 1er octobre 1943, sans changement de résidence, toujours affecté à la brigade de CHÂTENOIS.
Nommé adjudant le 1er avril 1944, il prend le commandement de la brigade de REMIREMONT (88) le 1er mai 1944. Suite à une nouvelle réorganisation par décision du 3 octobre 1944, la Légion de Gendarmerie de NANCY devient la 20ème LG. Ce ne sera qu’une affectation administrative pour Kléber BAUDOIN qui, à cette date, est en déportation ...
Parcours dans la résistance :
Kléber BAUDOIN a servi dans les Forces Françaises de l’Intérieur (FFI), Région C – Département des Vosges – Secteur de CHÂTENOIS, du 1er janvier 1943 au 12 mai 1944, d’après le « Certificat d’appartenance aux FFI » N° 2466 BR FFCI/FI-Sp du Général, commandant la 6ème Région Militaire à METZ, en date du 1er avril 1949.
Par arrêté du 7 octobre 1947 (JORF du 23 octobre 1947), son grade d’assimilation dans les FFI était « lieutenant », à compter du 1er mai 1944, grade notifié au titre des FFI pour la période de son internement et de sa déportation.
Dans la fiche de renseignements établie le 25 janvier 1946 en vue de l’homologation des grades FFI, le chef de secteur, autorité FFI, mentionne les qualités de commandement de Kléber BAUDOIN dans les appréciations suivantes : « Le Chef de centaine BAUDOIN a apporté son concours sans réserve à l’organisation du secteur de CHÂTENOIS ; A recruté, instruit et organisé militairement la centaine qu’il devait commander au combat pour la libération. Inspirait une grande confiance à ses hommes. Avait de réelles qualités de commandement ».
Dans cette même fiche, il est fait mention de l’activité déployée par Kléber BAUDOIN en ces termes : « Résistant dès décembre 1942. A couvert de son mieux l’organisation du secteur de CHÂTENOIS , facilitant et opérant lui-même le recrutement des hommes, la récupération des armes et du matériel abandonnés en 1940. Prévenait des recherches dont ils étaient l’objet, les réfractaires au STO, leur permettant de se dérober à temps. S’ingéniait à organiser le service de sa brigade afin que ses gendarmes, chef de centaine et de trentaine, puissent donner le maximum de leur temps à la résistance. Conduisait personnellement ses hommes aux parachutages. Monté à la section de REMIREMONT, le 1er mai 1944, devait venir reprendre la tête de sa centaine pour le combat. Arrêté le 12 mai 1944. Déporté à NEUENGAMME, décédé en cette ville le 8 janvier 1945 ».
Il est arrêté par la Gestapo le 12 mai 1944 pour des faits de résistance, et interné à la prison Charles III à NANCY puis transféré au camp de transit de COMPIEGNE-ROYALLIEU dans l’Oise d’où il sera déporté le 15 juillet 1944, par le convoi I.247, au camp de NEUENGAMME. Il y arrive le 08 août 1944 et est enregistré sous le matricule 36518.
Il est affecté à un des Kommandos de PORTA-WESTFALICA, situés dans une région montagneuse de Rhénanie du NordWestphalie à plus de 300 kilomètres au sud-ouest de NEUENGAMME, où les détenus travaillent dans des usines souterraines pour l’aéronautique.
Vers la fin du mois de décembre 1944, il est surpris par des gardiens avec un morceau de couverture sur ces pieds, ce qui était interdit. Il est condamné à recevoir 25 coups de matraque, ce qui le rend fou. Devant cette situation, il est emmené au bloc et est exécuté par une injection létale administrée par les médecins SS du camp. Il est ensuite conduit au four crématoire.
« Mort pour la France », décédé à HAMBOURG-NEUENGAMME le 8 janvier 1945 d’après la « Décision portant attribution du titre de déporté-résistant » du 30 janvier 1952, l’adjudant Kléber BAUDOIN est rayé des contrôles le 9 janvier 1945.
La mention « Mort en déportation » sera apposée sur les actes ou jugements déclaratifs de décès le concernant (arrêté du Secrétaire d’État aux Anciens Combattants en date du 14 mai 1987 – JORF du 3 juillet 1987).
Déportés et internés de la résistance (DIR), forces françaises de l’intérieur (FFI) du 12 mai 1944 au 8 janvier 1945 (la période d’internement prise en compte est du 12 mai 1944 au 14 juillet 1944 ; la période de déportation prise en compte est du 15 juillet 1944 au 8 janvier 1945), soit 1 an, 7 mois et 26 jours de campagne double, il bénéficie dans le décompte des campagnes, d’une majoration d’un an de campagne double à partir du jour de décès (article 8 de la Loi du 5 août 1948).
Félicitations et Décorations :
- Citation à l’ordre du 3ème Régiment du Génie, Ordre N° 11 du 6 septembre 1917 : « Courageux, énergique et dévoué, a eu une belle conduite sous le feu au cours des attaques du 31 juillet et 16 août 1917 » ;
- Croix de guerre 1914-1918 avec étoile de bronze ;
- Médaille commémorative de la grande guerre (loi du 23 juin 1920) ;
- Médaille de la Victoire (loi du 20 juillet 1922) ;
- Félicitations : Ordre N° 8 de la 20ème LG du 10 mars 1931 : « A secondé de façon remarquable son commandant de brigade dans des recherches longues et minutieuses qui ont amené à l’arrestation de quatre individus auteurs d’un délit grave » ;
- Médaille militaire à titre normal (décret du 8 juillet 1932 – JORF du 10 juillet 1932) : 17 ans de service, 4 campagnes ;
- Médaille de la résistance française à titre posthume (décret du 11 mars 1947 – JORF du 27 mars 1947)* ;
- Chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur à titre posthume pour services de guerre exceptionnels comportant l’attribution de la Croix de guerre 1939-1945 avec palme (décret du 14 janvier 1948 – JORF du 15 janvier 1948) ;
- Citation : « Sous-officier de gendarmerie animé par un patriotisme ardent, a adhéré à la Résistance en 1942. Par son exemple, a provoqué l’affiliation du mouvement de tout son personnel et a fait de sa brigade un élément actif dans la lutte contre l’envahisseur. Avec ses camarades, a participé à de nombreuses opérations, saboté les recherches entreprises conte les réfractaires du Service du Travail Obligatoire. Personnellement, a assuré les liaisons indispensables à la mise sur pied de son unité. Arrêté le 12 mai 1944 et déporté, a trouvé la mort à NEUENGAMME le 8 janvier 1945. Restera un bel exemple de devoir et de sacrifice (Médaille militaire) ».
- Médaille de la déportation et de l’internement pour faits de résistance à titre posthume le 30 janvier 1952.
* Le 1er février 1946, l’adjudant MILLON, commandant provisoirement la section de Gendarmerie de REMIREMONT, a proposé l’adjudant Kléber BAUDOIN pour la Médaille de la Résistance à titre posthume : « Au cours des années 1942-1943-1944, a pris une part active au mouvement de Résistance de CHATENOIS-Vosges. Agissant personnellement, a participé à toutes les opérations de parachutage et d’alerte. Agissant comme Commandant de Brigade, il a participé avec ses gendarmes à toutes les opérations pour lesquelles il était sollicité par l’organisation locale de la Résistance, les accompagnant et les couvrant de son autorité. Il a organisé personnellement le service de sécurité autour des terrains de parachutage. Désigné comme Chef de Centaine, il s’est occupé activement du recrutement des troupes de la Résistance. Arrêté à REMIREMONT, le 12 mai 1944, par la Feldgendarmerie, a été déporté en Allemagne et a succombé aux sévices et privations encourues ».
Campagnes :
Figurent à sa fiche matricule les campagnes suivantes contre l’Allemagne :
- Intérieur (1/2 C) du 12 avril 1915 au 22 novembre 1916 ;
- Aux armées (CD) du 23 novembre 1916 au 11 novembre 1918 ;
- Aux armées (CD) du 12 novembre 1918 au 25 novembre 1919 ;
- Zone des armées, Formation du Territoire (CD) du 1er septembre 1939 au 25 juin 1940
- Déportation (CD) du 12 mai 1944 au 8 janvier 1945.
Divers :
Le 12 mais 1944, la Gestapo a procédé à une rafle, vraisemblablement sur dénonciation, au cours de laquelle 38 personnes ont été arrêtées à CHÂTENOIS. Parmi elles se trouvaient tous les militaires de la brigade locale ainsi que l’adjudant Kléber BAUDOIN et le gendarme Adrien CLÉVY (arrêté le 17 mai 1944) qui avaient quitté cette unité respectivement le 1er mai et le 1er avril.
Tous déportés à NEUENGAMME pour leur activité dans la Résistance locale sur le secteur de CHÂTENOIS, l’adjudant Kléber BAUDOIN, les MDC Ernest BEAUJOIS et Henri NOUQUÉ, les gendarmes Louis AMET, Pierre CLAVERIE et Adrien CLÉVY ne rentreront pas.
Le 12 mai 1950, une plaque à la mémoire de ces militaires de la brigade morts en déportation a été inaugurée à la gendarmerie de CHÂTENOIS. À cette occasion, la veuve de l’adjudant BAUDOIN s’est vue remettre la Croix de la Légion d’Honneur décernée à titre posthume à son mari.
Le nom de Kléber BAUDOIN est gravé sur les monuments aux morts de CHÂTENOIS, ESCLES et REMIREMONT, sur le monument commémoratif des résistants et déportés à VICHEREY (88) et sur le monument commémoratif aux morts 1939-1945 de l’arrondissement de NEUFCHÂTEAU (88). Son nom figure également sur une plaque commémorative dans l’église abbatiale Saint-Pierre et à la mairie à REMIREMONT.
La 467ème Promotion de l’École de Gendarmerie de CHAUMONT (52) a choisi pour parrain l’adjudant Kléber BAUDOIN.
Le 4 mars 2016, les 113 élèves-gendarmes de la 5ème Compagnie d’Instruction ont rendu hommage à leur parrain. La cérémonie a commencé par un dépôt de gerbe au monument aux morts de CHÂTENOIS, puis un recueil sur sa tombe à ESCLES. Enfin, une plaque commémorative a été posée à la Compagnie de Gendarmerie de REMIREMONT reprenant la citation du Maréchal FOCH : « Parce qu’un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir ».
Sources :
- DelPatGend ;
- Fiche matricule ;
- Archives École de Gendarmerie de CHAUMONT.